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11 janvier 2008

Rassemblement des socialistes à la Mutualité

Intervention de Laurent Fabius à l’occasion du rassemblement des secrétaires de section à la salle de la Mutualité, pour marquer le lancement de la campagne nationale du Parti socialiste en vue des élections du 9 et du 16 mars.

Chers camarades, je m’exprime ici d’abord comme candidat aux élections municipales à Grand-Quevilly où nous avons 72 % de logements sociaux, ce qui montre qu’on peut atteindre les 20 % sans drame.

La question est parfois posée, elle a été fort bien posée, et ensuite écartée bien sûr par Bertrand, par Ségolène : élection nationale ou élection locale ? La réponse est évidente : locale d’abord. Les conseillers généraux, les élus municipaux ont des projets locaux à faire valoir. Pour avoir pris connaissance de pas mal de ces projets locaux, je crois que le mot principal à travers nos cinq propositions, c’est le mot « solidarité », car c’est celui-là qui fait le lien avec tous les autres et qui nous distinguent fondamentalement des listes de droite.

Mais au-delà, est-ce que ce sera un scrutin national ? Bien sûr que oui. D’abord parce que, excusez l’évidence, c’est la première fois, depuis les élections législatives et présidentielles, que tous les Français sont appelés aux urnes. Ensuite, parce que le Président de la République lui-même, dans ce temple de l’objectivité républicaine qui s’appelle le conseil de l’UMP, avec son ami Tony Blair, a dit qu’il entendait s’impliquer dans les élections municipales et départementales. Et puis parce que nous-mêmes, nous nous apprêtons à faire la même chose, parce que ces élections auront bien sûr un impact sur la vie nationale et parce que, c’est l’élément supplémentaire que j’apporte, selon le résultat de ces élections, la politique qui sera suivie ne sera pas la même.

Si au soir du deuxième tour, j’allais dire « Dieu nous en garde ! », c’est un succès de la droite, qu’entendra-t-on ? Le président de la République qui, une fois n’est pas coutume, apparaîtra à la télévision nous dira : « Ma politique a été confirmée, je continue et même, je double. »

Si c’est la gauche, comme nous le souhaitons tous, qui l’emporte, il y aura nécessairement des inflexions.

Je souhaite, c’est le message que je veux apporter à notre réunion, que ces élections dans sept semaines soient des élections carton jaune. Je m’explique : carton jaune d’abord sur la question de l’amputation du pouvoir d’achat.

Le président de la République a fait campagne, non pas comme on le dit souvent, pour dire : « Je serai le président du pouvoir d’achat », non ; la formule exacte est : « Je serai le président de l’augmentation du pouvoir d’achat ». Tous les mots y sont, simplement pas dans le bon ordre : l’augmentation du pouvoir d’achat du Président, oui !

Quand on regarde, vous êtes sur les marchés en ce moment pour la campagne, que nous dit-on ? « Tout augmente, sauf les salaires. » Alors je sais bien qu’il y a le « travailler plus pour gagner plus », mais je n’ai pas vu beaucoup de salariés se précipiter avec leur feuille de paie, disant : « M. le député, M. le candidat au conseil municipal ou au conseil général, regardez comme ma paie a augmenté ! » Il y en a sûrement, le regretté François Mitterrand disait : « Il y a des poissons volants, mais ce n’est pas la majorité des poissons. »

Les chômeurs en tout cas, pas concernés ; les temps partiels, pas concernés ; les retraités, pas concernés ; les retraités, en tant que premier adjoint à la mairie de Grand-Quevilly, à la fin de l’année, j’ai eu le banquet des personnes âgées et j’ai fait le tour des tables, comme chacun d’entre nous le fait, et qu’est-ce que j’ai entendu ? « 1,1 % : on se moque de nous ! » 25 % qui était promis, as-tu dit Ségolène, 1,1 %. Et on pourrait continuer la liste. Carton jaune contre l’amputation du pouvoir d’achat.

Vous me direz : « Mais si tout le monde était appelé à l’effort », oui, mais tout le monde n’est pas appelé à l’effort. On rappelait le bouclier fiscal, et il ne faut pas citer les choses de manière abstraite, il faut citer les chiffres dans le Nord-Pas-de-Calais qui n’est quand même pas la région la plus riche de France, 111 personnes ont reçu en moyenne un chèque du Trésor public de 89 500€. Et j’invite tous ceux qui font campagne, c’est-à-dire vous tous, à se procurer la moyenne dans chaque région, car elle est publique.

Si encore l’effort avait été demandé à tous les Français pour mettre l’accent sur les priorités, oui : éducation, recherche, PME, innovation, mais rien ! Rien ! Alors cela mérite un carton jaune. Mais le carton jaune, nous n’avons pas la possibilité d’expulsion ! Mais le carton jaune doit aller plus loin et servir d’avertissement pour la suite, car dès après les élections de mars, il y aura des décisions.

Cette année, par une coïncidence extraordinaire, avril tombe après mars, et on nous a annoncé en avril des décisions sur l’assurance maladie ; en mai, des décisions sur la retraite ; en juin, un collectif budgétaire et une modification des règles du contrat de travail. Que se passera-t-il ?

On va reparler, mais il faut en reparler dès maintenant, de l’augmentation de la TVA, de l’augmentation de la CSG, de l’allongement de la CRDS, de l’aggravation des taxations médicales et de ce qui se prépare si les résultats ne sont pas au rendez-vous. Oui, sans doute, on gardera la durée légale du travail mais on fera en sorte que dans chaque entreprise où le salarié est en situation de difficulté, de faiblesse par rapport à l��employeur, on puisse avoir des dispositions plus défavorables que la loi. C’est cela qui est dans les tuyaux. Et il faut donc, au soir du 9 et du 16 mars, qu’il y ait une protestation, un carton jaune de la population française pour dire : « Non, il faut changer de politique, n’aggravez pas une politique qui d’ores et déjà a échoué. »

Carton jaune aussi, mes camarades, sur ce que j’appellerai pudiquement la « pratique du pouvoir ». L’autre jour, dans sa conférence de presse, le président de la République a pris à parti un journaliste parce qu’il avait eu l’audace de parler de monarchie. Mais quand on prend l’étymologie, quand un seul concentre toutes les décisions, cela s’appelle quand même comme ça. Les citoyens ont élu un président de la République, et ils se retrouvent avec une monarchie élective.

Alors je pense qu’il faut dire ce qu’on pense de cela. Monarchie élective, non ; phénomène de cour, non ; Premier ministre autrefois collaborateur, maintenant paraît-il, cela changera ; les ministres faire-valoir, rivés à leur téléphone, attendant un signe d’encouragement pour passer une nuit calme, ce n’est pas possible.

La proximité avec les intérêts financiers et l’occupation, il n’y a pas d’autre terme, des écrans et des médias audiovisuels, c’est pourquoi j’insiste, François l’a fait l’autre jour, je l’ai fait aussi moi-même, sur la nécessité impérieuse d’établir dans ce pays l’égalité audiovisuelle parce que c’est une clé de la démocratie.

Qu’est-ce qu��on attend d’un président de la République en ce moment ?

Il y a de graves menaces et de graves crises ; il y a la menace du terrorisme, mais nous l’opposition, on ne nous informe de rien. Il y a la menace de la dissémination nucléaire ; je n’ai pas, a priori, d’opinion sur la question de savoir s’il faut ou non vendre des centrales à tel ou tel pays du Moyen-Orient, mais je sais que si la France veut faire de cela une politique, il faut qu’elle nous explique comment l’utilisation de ces centrales ne se traduira pas à terme par un risque d’augmentation de la dissémination nucléaire.

Il y a le risque, et pas le risque, la menace climatique et il y a la menace financière et c’est là-dessus qu’on attend le chef de l’Etat. Donc au lieu de s’occuper de t��ches latérales, qu’il explique au pays, à l’Europe et au monde ce que sont les solutions de la France pour en discuter et pour avancer.

Qu’est-ce que j’ai entendu en faisant campagne comme vous ? On attendait d’un chef de l’Etat dignité ; on attendait de l’efficacité ; on attendait une certaine sobriété et l’on a un étalage agité et parfois même immature.

Voilà ce que j’avais à dire, mes camarades.

Nous avions demandé un référendum sur le Traité européen. Il semble que M. Sarkozy fasse en sorte que ce référendum n’ait pas lieu. Oui, mais voilà, les élections du 9 et 16 mars, elles, ne pourront pas être annulées.

Nous les affrontons avec des atouts, et si nous ne gagnons pas, cela ne pourrait venir que de nos propres insuffisances. On les connaît, on les a pour une part expérimentées : il y a la division et de ce point de vue-là, le rassemblement d’aujourd’hui fait plaisir, et fera plaisir bien au-delà de nos rangs.

Il y a la dispersion qui consisterait à ne pas se concentrer sur cette échéance-là, et puis il y a la dilution qui pourrait faire croire à certains, à tort, que c’est en multipliant les œillades à la droite qu’on rassemble la gauche.

Le rassemblement oui, mais n’oublions pas d’abord notre base politique et sociale.

Ce que je veux dire pour terminer est tout simple : les 9 et 16 mars, on votera pour de bons candidats socialistes aux mairies ; pour de bons candidats socialistes dans les conseils généraux, mais on votera aussi je l’espère en brandissant un carton jaune contre l’amputation du pouvoir d’achat et contre les pratiques du pouvoir.

On rappellera à ceux qui nous président que notre conception des choses, celle des Français, n’est pas : « On est élu un dimanche et puis c’est le bon plaisir et puis rendez-vous cinq après ! » Non, entre temps, il y a les rendez-vous avec le quotidien des Français. Ce rendez-vous là, pour nous, c’est le 9 et le 16 mars et nous pouvons faire en sorte que ce soit un rendez-vous gagnant.

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