Rechercher dans ce blog

15 décembre 2009

Discours de Didier Marie à l'Assemblée Départementale des Maires


Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs, les parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Procureur Général,
Monsieur le Président de la Chambre régionale des Comptes,
Mesdames, Messieurs les Conseillers généraux,
Mesdames, Messieurs les Conseillers régionaux,
Mesdames, Messieurs les Maires,
Monsieur le Président du Sénat,

J’ai une nouvelle fois, beaucoup de plaisir à vous accueillir à l’Hôtel du Département, salle Pierre Bérégovoy, pour l’assemblée générale annuelle de l’Association des maires de Seine-Maritime. Un plaisir et un symbole du lien fort qui existe entre nos deux niveaux de collectivité, communes et département, garantes de l’action publique de proximité.

Nous arrivons au terme d’une année bien difficile marquée par une crise financière, économique, et sociale comme on n’en avait plus connue depuis très longtemps.

Notre département et nos communes sont particulièrement concernés.

De nombreuses entreprises ont été touchées, notamment dans les filières de l’automobile, du verre, de la chimie, ainsi que dans l’agriculture.

Les conséquences sociales sont rudes.

Le taux de chômage a sensiblement augmenté et le nombre d’allocataires du RSA est passé en 3 mois, de juin à septembre, de 35.315 à 38.574 soit plus de 1.000 personnes supplémentaires par mois (en dehors des allocataires salariés modestes), rythme qui ne faiblit malheureusement pas.

Nos permanences, celles de nos CCAS ou CMS, débordent de personnes, surendettement, loyer, cantines, santé, pour lesquelles nous sommes les premiers recours et souvent le dernier espoir, gonflant fortement nos dépenses d’aides d’urgence et d’accompagnement social.
La crise a aussi fortement impacté nos ressources avec l’effondrement des droits de mutation (- 37 Millions d’Euros pour le département).

Nous avons hâte que cela se termine mais soyons réalistes, nous en avons pour de nombreux mois.
Mais au-delà de la crise, qui n’est pas terminée, loin de là, cette année aura été marquée par le lancement de deux réformes qui nous inquiètent parce qu’elles vont profondément modifier nos capacités d’action.

Elles font l’objet de beaucoup de discussion tant dans les associations d’élus comme ce fut le cas lors du congrès de l’AMF, qu’au Parlement ou dans la presse, habituellement peu sensibilisés même si au final concernés, et vous comprendrez que je les aborde, ici, comme je suis convaincu que le Président du Sénat le fera.

Quelques remarques d’abord sur la forme et la façon dont ces débats ont été lancés.
Que nous-a-t-on expliqué, du moins à nos concitoyens :
Qu’il y avait trop de collectivités, qu’elles étaient trop couteuses et qu’il y avait trop d’élus, bref qu’elles étaient responsables de la mauvaise santé des comptes publics.

A chacune de ces assertions, permettez-moi un commentaire.

On nous dit, trop de collectivités : mais faut-il rappeler que notre constitution en reconnaît 3 et pas plus : les communes, les départements et les régions.

En avons-nous plus que d’autres ? Ca dépend à qui l’on se compare, nous en avons plus que 3 pays européens majeurs : Malte-Luxembourg-Lituanie.
23 autres en ont autant que nous au sein de la communauté européenne.
Tout le reste, syndicats, communautés de communes, pays, agglo, communautés urbaines ne sont que des outils que tout le monde est d’accord pour simplifier.
La seule différence notable avec le reste de l’Europe, c’est notre nombre de communes : 36.700 et 745 en Seine-Maritime.

Faut-il en supprimer ? J’y suis pour ma part fermement opposé, car la commune reste le berceau de la démocratie, le lieu de la rencontre et de l’élaboration collective le plus proche de nos concitoyens, la structure qui permet de freiner le galop de l’individualisme.

Ces 36 700 communes sont une richesse extraordinaire pour la France, ne l’oublions pas.

2ème assertion : nos collectivités seraient trop couteuses.
Faux : toutes collectivités et regroupements confondus, leurs dépenses représentent 11,3% du PIB quand la moyenne de leurs homologues en Europe se situe à 12,7%.

Mieux la dette a baissé, elle représentait 9% du PIB en 1995, 7,1% en 2008.
Faut-il rappeler par ailleurs, que les déficits nous sont interdits et que les collectivités ont dégagé en 2008 27,2 millions d’euros d’épargne (autofinancement) qui représentent 73% de la commande publique.

3ème assertion : trop d’élus, trop chers
Mais c’est le contraire, que ferions-nous sans nos 500 000 élus dont 90% ne sont pas indemnisés ?

Qui les remplacerait pour animer les villages, accompagner les plus démunis, s’occuper des plus âgés ?

Que serait notre pays sans ses femmes et ses hommes au dévouement admirable qui ne courent ni après les honneurs, ni après l’argent et sont au service de la collectivité, au détriment souvent de leur vie de famille, qui servent l’intérêt des autres plutôt que le leur ?

Cette richesse là, elle coûte mille fois moins qu’elle ne rapporte, c’est l’identité de la France et il faut la préserver.

Bien sûr, certains me diront la main sur le cœur, qu’il n’est pas question de toucher aux communes, ni aux élus.

Mais si tel est le cas aujourd’hui, après les avoir pointé du doigt, c’est parce qu’ils ont réagi et, qu’études d’opinion à l’appui, d’aucun s’est rendu compte que les Français étaient bien plus attachés que l’on ne le croyait à la démocratie locale.
Ne soyons pas pour autant naïfs et rappelons nous les propos de Messieurs ATTALI et BALLADUR lors de la présentation de leur rapport respectif, il faut d’ailleurs leur rendre hommage pour leur franchise, ils préconisent l’un et l’autre, non pas la suppression mais l’évaporation progressive des communes et des départements, et pour le dernier la diminution d’un tiers des élus, et je n’ai pas à ce jour entendu nos plus hauts responsables les démentir.

Venons en donc au fonds de ces réformes. D’abord pourquoi régler le problème du financement des collectivités avant de s’intéresser à ce qu’elles doivent faire. Je rejoins sur ce point bon nombre de responsables de la majorité présidentielle qui s’en sont émus. Car si le postulat, c’est la réduction des capacités financières, ça se traduira nécessairement par la réduction des services à la population.
Or, je suis de ceux qui pensent que dans notre pays, même s’il bénéficie d’un haut niveau d’équipement, nous n’avons pas trop de crèches, d’écoles, de logements, d’équipements sportifs et culturels, de salles polyvalentes, d’EHPAD, de structures pour handicapés, de services publics, etc. et que nous devons continuer d’aménager notre territoire, ce qui nécessite d’en avoir les moyens !

Mesurons d’abord les besoins, mettons nous d’accord sur quelle collectivité doit les satisfaire et ensuite affectons les moyens correspondants.
En l’état le problème a été pris volontairement à l’envers et la suppression de la TP est source d’une grande inquiétude, même si c’est moins pire.
Je ne rentrerai pas dans le détail mais je vais vous illustrer mon propos en prenant l’exemple du département.
En 2009, nous avons perçu 282 Millions d’Euros de la TP, déjà plafonnée de 36 millions d’euros.
En 2010, nous percevrons le même montant alors que nous aurions dû recevoir 15 Millions d’euros de plus avec l’actualisation des bases (6,9 % sur 80%). Résultat, nos recettes n’augmentent que de 0,45%.
En 2011, la nouvelle CET rapportera au département environ 130 Millions d’euros, soit 150 de moins. Ils seront après transfert du FB de la région, qui perd toute autonomie fiscale, l’augmentation de la part de TSCA et l’impôt forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) et la perte de la TH, compensée à hauteur d’environ 50 millions d’euros soit un manque de recettes fiscales de plus de 100 Millions d’euros.
Résultat : perte de l’autonomie fiscale (environ 20%), dépendance d’une dotation, risque de voir celle-ci s’effilocher au gré du temps qui passe.

Si les communes et leurs groupements dans le débat sénatorial ont récupéré la totalité de la cotisation foncière et 26,5% de la valeur ajoutée, mieux que ce qui leur était destiné, il n’en reste pas moins :
- qu’il manque 7 Milliards d’euros (compensation par transfert sur les ménages), que le gouvernement s’engage à compenser mais où les trouvera-t-il ? Créera-t-il un nouvel impôt ou une taxe au niveau national ? Aggravera-t-il le déficit ? Ou fera-t-il un renvoi sur les impôts locaux sachant que seules les communes et les intercommunalités conserveront une réelle liberté ?
- qu’il fonde un nouveau lien rigide impôt ménage/impôt éco puisque les communes et les EPCI les prélèveront
- que nous enregistrons une perte globale d’autonomie
- qu’il reste un sujet de préoccupation, celui du devenir du FDPTP (Fonds Départemental de Péréquation de Taxe Professionnelle)
- que l’on assiste à un enrichissement des plus riches via la valeur ajoutée.

Et puis, permettez-moi d’exprimer au moins un regret : si la taxe professionnelle est un impôt imbécile – d’ailleurs, faut-il remplacer un impôt imbécile par un impôt idiot ? – la taxe d’habitation et la taxe sur le foncier bâti ne sont pas mieux. Les associations d’élus avaient fait des propositions pour les rendre moins injustes mais leurs suggestions n’ont pas été retenues.

Va venir d’ici quelques jours, le débat sur la réforme territoriale en tant que telle. Je crains que ce deuxième étage de la fusée n’accentue nos difficultés, en tout cas je le perçois comme tel à la lecture des propositions du gouvernement.

On nous dit simplification, clarification mais on maintient communes, syndicats, communautés de communes, agglo, communautés urbaines et on y ajoute trois nouvelles formes d’organisation : communes nouvelles, métropoles, pôle métropolitain.
Certes les Préfets seront chargés de simplifier la carte de l’intercommunalité. Espérons que cela se fera dans un esprit de consensus.

Un mot sur les communes nouvelles : de quoi s’agit il sinon de regroupement et donc de la disparition des communes. Pas par arbitraire mais par obligation, via l’incitation financière.
Quant aux pôles métropolitains et aux métropoles, ils devraient avoir des compétences moindres mais il s’agit d’être méfiant car ils vont se faire au détriment des départements.

On nous dit proximité, mais on instaure le scrutin de liste proportionnelle dans les communes de 500 à 3500 habitants et on crée un conseiller territorial, super élu, cumulard qui siègera à la fois au Conseil général et au Conseil régional, dans des cantons plus grands, sans parler du mode de scrutin uninominal à un tour qui à mes yeux, mais aussi à bon nombre d’élus de la majorité présidentielle, n’est pas conforme à notre tradition républicaine.

On nous dit efficacité, mais on supprime la clause de compétence générale aux régions et aux départements, leur interdisant à l’avenir, et c’est le plus grave, l’innovation, l’adaptation aux réalités de chaque territoire et surtout l’accompagnement de la vie associative, laissant seules les communes.

Je crains, mes Chers collègues, que si les projets restent en l’état, tout cela se traduise par un affaiblissement des services locaux, une dépendance accrue aux dotations et donc au bon vouloir de l’Etat, bref à une remise en cause des 27 années de décentralisation qui pour certains ne doivent être qu’une parenthèse dans l’histoire de nos institutions. La question est transpartisane, de gauche ou de droite, elle nous interpelle et pose celle de l’organisation de notre République, qui dans la constitution est maintenant décentralisée.

Aussi, mes Chers collègues, puisqu’approche la période des vœux, j’en formulerai un :
Que l’on prenne le temps, ça nous changera, et que l’on écoute les élus de terrain que nous sommes pour aboutir à une réforme juste et équilibrée.

Cela est possible et c’est souhaitable, car il y a besoin d’approfondir la décentralisation mais je veux rappeler qu’aucune réforme de ce type ne peut se faire contre les élus.

C’est avec eux et grâce à eux que l’on pourra donner un avenir à nos territoires et des réponses à nos concitoyens.

Aucun commentaire: