A l’heure où le projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile a été voté à l’Assemblée Nationale, nous déplorons :
- la frénésie législative et médiatique qui semble, plus que jamais, partie prenante de la stratégie présidentielle et gouvernementale. Rappelons ici la succession de lois depuis 2003 qui durcissent les conditions d’accès des étrangers au territoire national (relèvement du plancher de conditions de ressources et durcissement des conditions de logement, tests de maîtrise de la langue et de connaissance des valeurs de la république jamais exigées pour les Français, tests ADN à la charge des étrangers…), y compris dans le cadre de demandes d’asile politique (les menaces en matière de seule liberté n’étant plus recevables). En l’espèce, il s’agit bien d’un nouveau projet de loi contre l’immigration car, ce texte et le discours l’accompagnant, entretenant une suspicion généralisée à l’égard des candidats à l’immigration supposés frauder et détourner la loi à leur profit, participent bien de cet effort nouveau de définir l’identité nationale par la négation de l’immigration et par son rejet.
Or, immigrer n’est jamais décision simple et s’apparente souvent à une véritable rupture culturelle et parfois familiale, d’où la nécessité d’adopter une politique certes raisonnée mais humaniste, notamment en matière de regroupement familial.
- l’instauration d’une politique d’exception à l’égard des étrangers à travers la traçabilité génétique de ceux-ci proposée par le député Thierry MARIANI. Outre la méthode consistant à introduire une telle disposition via un simple amendement, nous rappelons que l’article 16 du Code Civil interdit toute étude génétique hors l’intervention directe et expresse d’un magistrat dans le cadre d’une procédure de recherche de liens filiaux ou dans le cadre de recherches scientifiques, ce qui semble d’emblée frapper d’inconstitutionnalité une telle disposition.
Politique d’exception d’autant plus qu’en France, la reconnaissance de la parenté est déclarative et témoigne d’un vouloir-vivre ensemble – totalement abouti en matière d’adoption – plus que d’une filiation biologique qui n’est pas nécessairement garante d’amour et de respect de la dignité de l’enfant.
Y compris dans les rangs de la majorité, des voix s’élèvent contre ces dispositions tout à fait inacceptables et contraires au droit français, la filiation n’étant pas génétique en soi.
D’une manière plus globale, les dérives gouvernementales et présidentielles actuelles témoignent bien d’une volonté de naturaliser et d’ethniciser es politiques publiques. Aux déclarations du candidat à la présidence de la République consistant à faire de la pédophilie une tare génétique et à sa tentation de repérer les délinquants sur les bancs des écoles maternelles, nous pouvons déplorer cette dérive déterministe qui tendrait à classifier, dès leur naissance, les citoyens en bons et en mauvais.
- l’accusation dont font l’objet les « pays d’émigration » quant à leur complicité en matière de production d’actes d’état civil frauduleux, accusation qui ternira davantage l’image de la France à l’étranger, notamment dans les pays francophones et qui s’apparente à un néo-colonialisme.
Le rapport MARIANI explique ainsi que « (…) la fraude aux actes de l’état civil se manifeste par la production auprès des autorités françaises de documents falsifiés ou frauduleux, délivrés avec la complicité des autorités locales, ainsi que de jugements supplétifs ou rectificatifs concernant des naissances ou des filiations fictives et des reconnaissances mensongères d’enfants. La fraude documentaire touche essentiellement les anciennes possessions françaises dans l’Océan indien et en Afrique subsaharienne (…). »
- la fixation par le Ministère de l’immigration aux Préfets d’objectifs quantitatifs en matière d’expulsions, reléguant, par cette logique strictement arithmétique, aux placards de l’histoire une tradition républicaine humaniste en matière d’accueil des étrangers dans la patrie des droits de l’homme.
- le règlement de compte entre ministres sur le dos des étrangers. En effet, le projet de loi présenté à l’Assemblée Nationale envisage le transfert de la tutelle, s’agissant de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), du ministère des Affaires Etrangères au Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-développement. Aux logiques politiciennes relatives à l’équilibre du pouvoir au sein de la majorité présidentielle et dont Michèle ALLIOT-MARIE semble faire les frais, s’ajoute une tendance de fond qui consiste à grignoter progressivement les libertés individuelles.
Plus grave, à travers ce projet de loi, nous pensons que le gouvernement tente de détourner l’attention quant aux véritables lacunes en matière d’intégration nationale et sociétale dont les principales causes sont à chercher dans le ralentissement de la croissance et dans l’aggravation du chômage et des pathologies sociales en découlant.
Plus que dans d’autres secteurs, nous pensons qu’en matière d’immigration, l’Etat doit faire preuve de justice et de justesse incompatibles avec l’inclination sensationnaliste de la ligne politique fixée par le Président de la République depuis son élection.
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