"Si l’on veut un contre-pouvoir, le meilleur moyen, c’est le bulletin de vote socialiste en juin. N’acceptons pas le rouleau compresseur de l’Etat-UMP."
16 mai 2007
Interview de Laurent Fabius publiée dans La Nouvelle République des Pyrénées, à l’occasion de son déplacement dans la région pour soutenir les candidats socialistes aux législatives.
1) Que pensez-vous de la nette victoire de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle ? Quelles en sont, selon vous, les raisons principales ?
Les trois ingrédients du succès de N. Sarkozy sontun parti organisé, des idées de droite claires, et une capacité à incarner la fonction de chef de l’Etat. Pourtant, nous disposions pour l’emporter de puissants atouts : ces dernières années le PS a gagné toutes les élections intermédiaires - régionales, cantonales, européennes - et les mobilisations sociales ont montré le refus du tout libéral - souvenons-nous du retrait du CPE. Le bilan du gouvernement sortant était très médiocre. Les thèmes qui font le débat public sont le pouvoir d’achat, l’emploi, les délocalisations, l’école, le logement, les services publics, thèmes qui sont tous au cœur de l’engagement de la gauche. Dans les meetings, le grand homme de la campagne présidentielle fut Jean Jaurès. Tout cela n’est pas le signe d’un virage profond de la société à droite. Encore faut-il de notre côté assumer clairement nos valeurs, proposer avec précision et finalement convaincre. Malgré une magnifique mobilisation militante, cela n’a pas été suffisamment le cas.
2) Y a-t-il des responsabilités ? Lesquelles ?
Le moment venu, il faudra analyser en détail les causes de la défaite et en tirer toutes les conséquences. Pour l’heure, l’essentiel est de préparer les législatives qui ont lieu dans un mois. Face à une droite qui veut concentrer tous les pouvoirs, il faut envoyer un maximum de députés socialistes et de gauche à l’Assemblée, pour résister et pour proposer. C’est la priorité : être aux côtés de nos candidats dans les circonscriptions, comme je le fais cette semaine dans les Pyrénées, où d’ailleurs notre score présidentiel a été meilleur qu’ailleurs.
3) Alors que le conseil national du PS ce week-end aurait dû ramener de la clarté dans le camp socialiste, c’est tout le contraire qui se passe : S. Royal a appelé à désigner très tôt un candidat pour 2012, des personnalités socialistes sont consultées par N. Sarkozy, DSK rejette la responsabilité de la défaite sur Hollande. Où en est le PS ? Doit-il se rénover, se refonder ?
Je déplore le spectacle qui est actuellement donné. Plutôt que de préparer telle ou telle candidature présidentielle pour dans cinq ans, il faut penser à celles et ceux qui sont candidats aux législatives dans moins de cinq semaineset surtout aux préoccupations des Français ! J’appelle donc chaque dirigeant socialiste à se ressaisir. Les premières victimes d’un rouleau compresseur de droite à l’Assemblée, ce seraient les Français. Pensons à eux, soyons à leurs côtés, pratiquons moins le « je » et davantage le « nous ». Et n’enterrons pas le PS : il serait surprenant qu’une refondation commence par un sabordage ! Je plaide pour une « gauche décomplexée », à la fois fière d’être de gauche et consciente des évolutions du monde.
4) Craignez-vous une vague bleue à l’occasion des législatives ?
Rien n’est joué. Certes N. Sarkozy est un homme habile : il va chercher à faire illusion, confondre ouverture et débauchage, quitte à pratiquer la rupture libérale ensuite. Il n’est pas bon qu’un seul parti contrôle toutes les instances nationales, avec en outre de très puissants relais dans la finance et les médias. Si l’on veut un contre-pouvoir, le meilleur moyen, c’est le bulletin de vote socialiste en juin. N’acceptons pas le rouleau compresseur de l’Etat-UMP. Agissons pour faire redémarrer la France et défendre nos concitoyens. C’est l’enjeu de ces législatives.
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