Cela fait un an jour pour jour que les journalistes de France 3, Hervé Ghesquières et Stéphane Taponier, ainsi que leurs trois accompagnateurs afghans, Mohammed, Gulam et Satar, ont été enlevés par un groupe de talibans à l’est de Kaboul en Afghanistan.
Ils font partie, avec leurs collègues, Kauffmann, Carton, Fontaine et Seurat, des journalistes français retenus en otages le plus longtemps à l’étranger.
Rappel des faits : Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier effectuaient un reportage sur la reconstruction d'une route près de Kaboul pour le magazine "Pièces à conviction" de France-3.
Ils ont disparu le 30 décembre 2009, après avoir indiqué à leurs confrères qu'ils souhaitaient « aller au contact des villageois », dans la province de Kapisa au nord est du pays, à 60 km de la capitale.
Ils avaient passé les trois précédentes semaines aux côtés des troupes françaises installées sur place. Au moment de leur enlèvement, ils n’étaient plus sous la protection de l’armée.
Dans un premier temps, pour ne pas risquer une éventuelle surenchère dans les négociations, le gouvernement français impose la discrétion.
France Télévision s’y plie et évoque le sort les otages sans montrer d’images et ne citent que leurs prénoms, Stéphane et Hervé.
Mais c’était sans compter sur le porte-parole de l’UMP de l’époque, Frédéric Lefebvre et le député UMP Eric Raoult, qui mettent en cause les journalistes en dénonçant « le risque qu’il y avait à effectuer un reportage dans une zone en guerre sans être encadré par l’armée française ».
Puis, Jean-Louis Georgelin, quelques semaines plus tard, alors chef d’état-major des armées, ose chiffrer publiquement : « nous avons déjà dépensé plus de 10 millions d’euros dans cette affaire ».
Il déclarera également sur Europe 1 : « J’appelle à la responsabilité des uns et des autres ».
La profession est outrée mais maintient la discrétion autour de cette affaire.
Trois mois après leur enlèvement, les ravisseurs envoient une cassette vidéo qui brise l’anonymat : les français découvrent, d’abord sur Internet, puis dans les journaux télévisés le visage des otages.
Le message énoncé par les otages, sous la pression de leurs ravisseurs, est le suivant : « Nous exigeons que cette vidéo soit diffusée sur les chaînes françaises (…) nous sommes en danger de mort (…) c’est la dernière fois que nous parlerons dans une vidéo ».
Les comités de soutien se créent.
En octobre, France Télévision - employeur des journalistes retenus en otage - a organisé, à l’occasion de leur 300ème jour de détention, un grand concert gratuit de soutien au Zénith de Paris.
Le gouvernement français, de son côté, évoque des négociations difficiles avec les ravisseurs : leurs demandes sont à la fois financières et politiques.
Ils exigent une forte rançon et veulent la libération de leurs compagnons détenus par les forces de l’OTAN. Nicolas Sarkozy s’est entretenu avec Hamid Karzaï, président de l’Afghanistan en exercice, sur le sort des otages. Les négociations s’enlisent et de longs mois passent.
Certains hommes politiques continuent néanmoins d’évoquer une issue heureuse dans de « brefs délais ». Ce qui provoque la colère des familles des otages : « On espérait une libération en septembre, puis à Noël… C’est toujours reporté. Je préférerais qu’ils ne disent rien » proteste Arlette Taponier, la mère de Stéphane.
Cette semaine, une nouvelle cassette vidéo, datant semble t-il de mi-novembre, a été diffusée par le Ministère des Affaires étrangères aux familles des détenus.
Selon Gérard Taponier, le père de Stéphane : « Ils sont en bonne santé. Un point c’est tout, on en sait pas plus. C’est très court comme message. Ils demandent qu’on les libère le plus rapidement possible, que le gouvernement fasse le maximum. Ils sont très amaigris, mais ils ont bon moral ».
Les autorités françaises ont beau déclarer, à l’instar de Michèle Alliot-Marie : « La libération de tous nos compatriotes retenus en otage est une priorité absolue pour le président Nicolas Sarkozy », rien n’y fait : les familles et les comités de soutien n’y croient plus.
Aujourd’hui, au 365ème jour de leur détention, les familles des otages, Reporter Sans Frontières (RSF), Florence Aubenas (elle-même détenue pendant près de cinq mois en Irak en 2005) tous mobilisés pour la libération des otages, commémorent ce triste anniversaire et expriment leur ras le bol.
« Les familles sont plus qu’agacées » déclare Jean-François Juliard, secrétaire général de RSF.
A l’issue de la projection pendant 90 minutes des visages des otages sur l’Arc de Triomphe, il ajoute : « Personne ne souhaitait qu’on arrive à cet anniversaire, et on y est. Le but de cette opération c’est de secouer l’opinion publique et de dire ‘ça suffit !’ ».
Montrant les deux portraits des journalistes de France 3 affichés sur la façade de l’Hôtel de Ville de Paris, Florence Aubenas, marraine du Comité de soutien, précise : « Un an ! Libérons-les. On se demande toujours à quoi ça sert de se mobiliser. J’ai été détenue en Irak. Ca sert à ça ».
A propos de cette journée d’action : « On a voulu faire quelque chose d’un peu visible, voyant et fort, pour dire ‘ne les oublions pas !’ ».
Pour sa part, Martine Aubry a déclaré : « Je tiens à exprimer, au nom du Parti Socialiste, notre totale solidarité à Hervé Ghesquière, Stéphane Taponier et leurs accompagnateurs afghans, capturés il y a un an aujourd'hui, alors qu’ils exerçaient leur métier d'observation et d'analyse, avec professionnalisme et responsabilité, au service de l'information des Français.
Un an d’inquiétudes pour leurs familles, leurs collègues, leurs amis. Un an de souffrances, de peurs, de privations pour eux. Leur détention porte atteinte à la liberté d'information, liberté fondamentale sans laquelle il ne peut y avoir de démocratie.
En ce triste anniversaire, je veux aussi penser à tous les journalistes emprisonnés ou menacés tout simplement parce qu'ils font leur métier celui de collecter, rassembler et commenter des faits pour les porter à la connaissance du public, et aussi à tous les otages retenus à travers le monde, particulièrement aux six français actuellement retenus en Afrique. »
De nombreux événements et des concerts de soutien sont organisés partout en France pour sensibiliser le pays tout entier à cette cause.
Il faut que tous sachent que nous ne les oublions pas.
Texte rédigé par Frédéric Penalver
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