Cher-e-s camarades, Cher-e-s ami-e-s,
La gauche, c’est le camp de la transformation sociale. Elle doit le rester. La transformation écologique et sociale de l’économie de marché, le refus de la société de marché c’est le cœur de l’engagement contemporain de la gauche.
Modifier concrètement les conditions d’existence, se battre pour élever les consciences, agir conformément aux valeurs républicaines d’égalité, de liberté, de fraternité c’est son combat quotidien.
La gauche, c’est toujours agir pour la justice dans le réel, c’est toujours l’intérêt général dans l’économie comme dans le social. C’est toujours le juste équilibre comme chemin pour rejoindre l’idéal d’une société plus décente pour tous.
La gauche est aujourd’hui fragmentée. Elle défend ses valeurs dans un monde tenaillé par l’identité, obsédé par le profit, dominé par le conservatisme. La gauche aborde en ordre dispersé les défis de son époque. La révolution de l’immatériel, les défis climatiques, les bouleversements géopolitiques, la droitisation de la société et l’extrémisation de la droite.
Pour être en mesure de le faire, la gauche doit changer. Elle s’est déjà transformée tout au long de son histoire faite de modernisation, de luttes et de conquêtes. Elle a toujours su trouver le chemin de l’union, le chemin de l’action. Elle s’est élargie aussi, voyant naître l’écologie politique. Léon Blum a raison : nous nous inscrivons toutes et tous dans une longue chaîne qui nous relie à la Révolution et qui nous relie aussi entre nous.
Face à nous, il y a le bloc réactionnaire. Les plus myopes d’entre nous sont désormais instruits par l’épisode malheureusement limpide des réfugiés. C’est un avant-propos d’une France à la Orban. Cette menace ne saurait être ni un argument massue, ni le forceps de notre unité. Cette menace n’en demeure pas moins réelle : droite en voie d’extrémisation et extrême droite en voie de banalisation sont en train de converger dans les têtes. Si elles sont concurrentes dans les urnes, c’est pour savoir qui des deux régnera sur ce bloc électoral. La droite française la plus à droite du monde fera bientôt sa jonction avec l’extrême droite la plus banalisée d’Europe. Communiant dans le refus d’un prétendu grand remplacement par les musulmans, dans l’arabophobie, l’europhobie et il faut bien le dire, la haine du Parti socialiste depuis le mariage pour tous. La haine des idéaux de la gauche, responsables, pour eux, de tous les maux. Une fois au pouvoir, que croyez-vous qu’ils feront de la République et de l’Etat social ?
Cette menace est là. Elle se nourrit aussi de notre division.
Chacun dans notre coin, nous croyons pouvoir tirer les marrons du feu de la grande confusion qui règne. L’anathème règne en maître à coup d’excommunications médiatiques sous le regard désabusé et incrédule d’un peuple de gauche ainsi démotivé. Nous pensons pouvoir nous doubler les uns les autres. Certains veulent même se dédoubler. D’autres pensent que le salut est dans l’alternative si radicale, qu’elle fait de l’autre l’ennemi. Ce n’est pas en installant partout la droite et l’extrême droite, que l’idéal à gauche sera mieux défendu.
Certes, nous pourrions continuer ainsi, en attendant le déluge d’un épisode réactionnaire qui viendrait recouvrir notre pays. Certes, là où il y a le danger, il y a ce qui sauve. Confrontés à une victoire du bloc réactionnaire, défaits, acculés, nous nous allierions, nous constituerions les premiers rangs de la résistance. Nous l’avons déjà fait au cours de notre histoire. Nous le referions. Je le sais, nous le savons.
Mais, pourquoi nous imposer cette terrible épreuve à nous mêmes et aux Français ? Devons-nous l’attendre les bras ballants pour comprendre ? Devons-nous la subir, les yeux larmoyants, pour réagir ?
Je ne mésestime pas nos débats économiques, sociaux voire européens. Il y a là des fractures qui pour importantes qu’elles soient, ne sont insurmontables. Aiguiser les divergences ne permet pas de les surmonter mais seulement de les faire durer. Dans les années 1970 ou bien 1936, les désaccords au sein de la gauche étaient plus graves puisqu’ils portaient sur le modèle de société. Et pourtant, la gauche s’est unie.
Aujourd’hui des hommes et des femmes rêvent d’un deuxième congrès de Tours séparant réformistes et contestataires. Certains semblent même préférer la défaite de la gauche de gouvernement pour mieux fonder une gauche protestataire. Ce qui conduit à un esprit de système dans la critique de la gauche au pouvoir, qui manque pour le moins de discernement. Et dont je ne suis pas sûr qu’il profite électoralement ou politiquement à ceux qui l’emploient.
Ces stratégies issues d’un autre temps affaibliront durablement la gauche et l’écologie en général, et marginaliseront la gauche de contestation en particulier.
Prenons donc garde au « narcissisme des petites différences » pour parler comme Sigmund Freud. Le péril réactionnaire, ce défi mortifère, nous ne pourrons pas l’affronter divisés, isolés, chacun de notre côté. La gauche a déjà perdu la bataille des cœurs et des esprits. Si elle venait aujourd’hui à manquer le tournant de l’unité et donc à perdre la bataille politique, elle perdrait la bataille de la République.
Unis, nous avons conquis de nouveaux droits. A l’ère industrielle, en arrachant des droits politiques et sociaux pour dompter le capitalisme. Aujourd’hui, nous faisons de même en cherchant à conquérir de nouveaux droits écologiques et vitaux. Aujourd’hui, ces deux engagements ne font qu’un : c’est la social-écologie. Ce combat se mène en France et dans le monde. C’est l’enjeu du sommet Paris climat de décembre.
Unis, nous avons fait nos preuves aux responsabilités, nous avons acquis notre respectabilité dans les épreuves. Unis, nous avons dirigé les collectivités locales, inventé un modèle « d’en bas », fait d’efficacité économique, de durabilité écologique, de lien social et d’émancipation par la culture ou le sport. Une gauche de proximité appréciée par les Français. Et il faudrait la détricoter ? Mais dans quel but ?
Aujourd’hui, nous repensons notre modèle social pour pouvoir le préserver. Aujourd’hui, il faut se battre pied à pied pour l’emploi. Aujourd’hui, il nous faut agir pour redonner confiance et espoir à nos concitoyens, agir en commun au service de nos valeurs communes. Ensemble, nous pouvons relever notre pays et le tourner vers l’avenir.
Pourtant, il ne suffira pas de s’unir à nouveau. Il faudra profondément changer, radicalement muter. Muter pour être fidèles à nos principes et être à la hauteur de notre époque. Muter pour prendre acte des attentes politiques nouvelles de nos concitoyens. Voilà notre tâche commune si nous voulons continuer à agir pour le bien commun.
Il ne s’agit pas de nous unir entre nous, entre appareils, dans un cartel. Il s’agit de nous unir avec le peuple de gauche, d’aller repuiser notre légitimité et notre énergie, nos idées aussi, dans le peuple de gauche. Oui, cette alliance d’un nouveau type est une alliance populaire : la belle alliance, parce qu’elle dépasse nos propres formations.
Il est temps de dépasser la gauche telle qu’elle fut. Pour relever les défis de notre modèle de société républicaine qui est contestée par un bloc réactionnaire.
Nous, nous voulons dépasser le Parti socialiste car nous estimons ses réponses et son organisation datées.
Nous voulons participer à l’émergence d’une nouvelle gauche politique et citoyenne. Nous voulons le faire dans le respect des cultures politique, des histoires et des mémoires.
Oui, cette alliance doit se faire sans exclusive et dans le respect. Elle est ouverte à toutes les formes de collectif : partis, syndicats, associations, ONG… Elle est bien entendu ouverte à tou-te-s les citoyen-ne-s sensibles à la défense de nos valeurs républicaines, humanistes et européennes. Elle repose sur un principe de participation, car il s’agit de penser et produire un nouveau répertoire d’action et de mobilisation.
Cette grande alliance est un grand dessein. Elle nous dépasse toutes et tous, elle a besoin de nous toutes et de nous tous. Cette belle alliance est un bel horizon pour la gauche et les écologistes, un horizon commun pour la France et le monde de demain.
Alors, militants de l’égalité, sympathisants du progrès, partisans de la social-écologie, élus de France, enfants de la République, défenseurs de la laïcité, soldats de la liberté ! Participez à ce grand combat. Le Parti socialiste va à votre rencontre. Il rencontrera aussi toutes les forces de gauche et propose dès maintenant l’ouverture d’une discussion collective pour bâtir une route commune. Il faut que chacun apporte sa pierre pour offrir un espace commun à la nouvelle gauche.
Jean-Christophe Cambadélis
Premier secrétaire du Parti socialiste
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire