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28 octobre 2007

Interview de Laurent Fabius publiée par Le Parisien / Aujourd’hui en France.

Voterez-vous le projet de traité simplifié adopté à Lisbonne, qui se fixe pour objectif de désembourber l’Europe ?

Laurent Fabius. Le projet, avec ses 250 pages et ses 297 amendements, n’est pas plus « simplifié » que le précédent. En 2005, le peuple s’était prononcé par référendum.

Ce qui a été décidé par référendum ne peut être réexaminé que par référendum. Une autre procédure ne serait pas vraiment démocratique. Sur cette base, j’espère que ce sera l’occasion pour les socialistes de se rassembler.

Au final, voterez-vous oui ou non ?

Je ne vois pas comment on pourrait approuver un déni de démocratie. Chacun, socialiste tenant du oui ou du non, devrait être prêt à faire un effort pour tenir cette position.

Les tenants du non, comme vous, feraient eux aussi un « effort » ?

Ce serait logique. Je souhaite que nous adoptions la position la plus démocratique et susceptible de nous rassembler. C’est d’ailleurs ce qu’a préconisé le rapporteur du PS chargé de ces questions, Benoît Hamon.

Mais Nicolas Sarkozy, comme il l’avait dit lors de la campagne présidentielle, prévoit une ratification cette fois par le Parlement !

C’est le peuple qui doit décider. D’ailleurs, je pense qu’une majorité de Français souhaitent comme moi un référendum.

Ségolène Royal et Bertrand Delanoë appellent déjà à voter oui...

Nous disions tous, il y a quelques semaines, qu’il faudrait un nouveau référendum. Pour ma part, je ne l’ai pas oublié.

Souhaitez-vous que, comme en 2005, le PS consulte ses militants par référendum interne ?

On n’est pas obligé de se tendre à soi-même un piège. (Sourire.)

Comprenez-vous une grève dirigée contre la réforme des régimes spéciaux de retraite ?

Le mouvement a été très suivi, mais les gens sont partagés...

... Et vous-même, êtes-vous partagé ?

Je pense que les régimes spéciaux doivent évoluer, mais après une vraie négociation. De plus, leur remise en cause est vécue par beaucoup comme un ballon d’essai par rapport à la question plus générale des régimes de retraite. Le candidat Sarkozy a répété le slogan « Travailler plus pour gagner plus ». Avec les multiples taxations nouvelles, les augmentations de prix, les reculs de toutes sortes, on constate de plus en plus qu’il s’agit en réalité de « travailler plus pour gagner moins ». On ne peut pas être d’accord.

Mais le statu quo en matière de retraites est-il concevable ?


Il faut des évolutions, mais sur la base d’efforts partagés. Donc une discussion générale sur l’ensemble des retraites, et pas la stigmatisation d’une catégorie de salariés.

Pourquoi souhaitez-vous que le Conseil constitutionnel censure le texte sur les tests ADN, désormais très restrictif ?

Si le texte ne concerne vraiment qu’un tout petit nombre de personnes, à quoi sert-il ? Ce qui me paraît dangereux, c’est l’addition de deux idées qu’il contient, chacune dangereuse : l’idée que notre parcours dans la vie, et surtout le rapport parents-enfants, serait entièrement déterminé par la génétique ; et l’idée que l’étranger serait une sorte de délinquant potentiel, une menace. J’espère que le Conseil constitutionnel annulera cette mesure avec un argument principal : on ne peut pas traiter différemment un enfant adopté et un enfant qui ne l’est pas, ce qui serait le cas avec les tests ADN.

« Dans le scandale de l’UIMM, il faut désigner un juge »

Etes-vous hostile à l’idée de contrôler plus strictement les conditions du regroupement familial ?

Ce n’est pas parce qu’on récuse les tests ADN qu’on est pour une immigration massive et sans règles ! J’ai une autre approche sérieuse, responsable, autour de trois principes, que nous devons gérer dans le cadre européen : 1. l’impératif du codéveloppement ; 2. pour les immigrés en situation régulière, le droit à une vie comme les autres, donc au regroupement familial ; 3. le fait que la France ne peut accueillir « toute la misère du monde » et qu’il faut lutter contre les filières et trafics de clandestins. Trop souvent, l’immigration sert de filon électoral à la droite pour faire oublier son échec sur le plan économique et social. Je refuse cette dérive malsaine.

Faut-il aller jusqu’au bout de la présidentialisation du régime ?

Cessons de jouer avec les mots ! Il faut davantage de pouvoirs au Parlement, un meilleur contrôle des décisions du président, une écoute plus attentive du suffrage populaire. Le rapport du comité Balladur me paraît plutôt intéressant, mais qu’en restera-t-il ?

Souhaitez-vous toute la vérité sur les caisses noires de l’UIMM alors que certains syndicats et même des députés en auraient, dit-on, profité ?

C’est le monde à l’envers ! C’est bien le scandale UIMM. Pourquoi le présenter comme l’affaire des syndicats ou des politiques ? Il faut qu’un juge soit désigné et fasse la lumière rapidement.

Quel doit être le profil du futur premier secrétaire du PS ?

Le PS a bien des défis à relever. Oui ou non, devons-nous revendiquer nos valeurs socialistes ? Je réponds clairement oui. Oui ou non, devons-nous adapter un certain nombre de nos propositions ? Je réponds oui et j’ajoute que notre règle, ce doit être ce que j’appellerai « l’économie sociale et écologique de marché ». Devons-nous adopter une stratégie qui nous isolerait à gauche ou, comme je le crois, nous fixer comme objectif le rassemblement le plus large autour de nous ? Vastes enjeux. C’est cela notre tâche, et non pas de nous disputer en 2008 pour savoir qui sera notre candidat en 2012, 2017 ou 2022 !

D’ici au congrès PS de 2008, que comptez-vous faire ?

Je travaillerai activement à des propositions pour répondre aux préoccupations de fond (emploi, pouvoir d’achat, vieillissement, vivre ensemble, pollutions, mondialisation financière...). Je vais aussi alerter et mobiliser contre les mesures injustes, par exemple la scandaleuse taxe sur les malades. Et poser au pouvoir des questions concrètes, en souhaitant des réponses précises. Oui ou non, le gouvernement s’engage-t-il dans les cinq ans qui viennent à ce qu’il n’y ait pas d’augmentation de la TVA ? Même question pour la CSG et la CRDS. Si l’on refuse de me répondre ou si, comme c’est le cas jusqu’ici, l’on répond à côté, cela voudra dire qu’après les municipales les Français auront à payer une addition encore plus douloureuse et injuste qu’aujourd’hui.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Selon un sondage CSA 61% des sondés sont pour un nouveau référendum tandis que 31% préfèrent la solution privilégiée par Nicolas Sarkozy d'une ratification par les députés et les sénateurs, réunis en Congrès. 52% des personnes interrogées précisent qu'elles s'abstiendraient ou voteraient blanc si un nouveau référendum était organisé. Parmi les autres, 68% affirment qu'elles voteraient "oui" et un tiers (32%) voteraient contre. Pour Laurent Fabius Pour le député socialiste de Seine-Maritime, "c'est le peuple qui doit décider." : sauf que le peuple , il a décidé de voter Sarkozy et que celuici a pris devant lui l'engagement d'une ratification parlementaire ...et de toutes les facons, sauf populisme outré, quand le parlement décide c'est ,en République, au nom du peuple français !!!

Anonyme a dit…

Certes!!
Sauf qu'on se rend compte que dans la mesure où ce traité n'a pu rentrer par la porte, le Président essaie de le faire rentrer par la fenêtre. Et il pousse, il pousse...
Les sondages, les sondages...à croire qu'il remplace le Parlement que vous citez.
Alors je dis chiche, que le référendum est lieu et on verra.
Enfin que je sache, le peuple n'a pas donné un blanc-seing à Sarkozy.