L’assassinat de Chokri
Belaïd a mis au grand jour les fortes dissensions existantes non
seulement dans le giron politique mais également dans la société
tunisienne post révolution de jasmin. Jamais depuis l’adieu à
Habib Bourguiba, la population n’était aussi nombreuse descendue
dans la rue pour manifester à la fois sa colère devant ce crime
abject et la défense des acquis remportées sur la dictature de Ben
Ali. En assassinant Chokri Belaïd, les extrémistes religieux ont
voulu faire taire l’homme de progrès, le leader laïc, et au-delà
les valeurs de démocratie de tolérance. Comme l’a précisé dès
le meurtre connu JC Cambadèlis au nom de Parti socialiste : il
faut constater « que la sécurité en Tunisie ne s’améliore
pas, regrettant les tensions persistantes entre les différentes
forces politiques ». Ajouté aux dernières exactions des
« barbus extrémistes » envers les démocrates et les
femmes, aux atteintes au patrimoine national comme la destruction du
mausolée de Sidi Bou Saïd, ce crime met très mal à l’aise le
parti islamiste dominant au pouvoir, Ennahada, suspecté de manœuvrer
en sous-main certaines milices terroristes.
Même
en son sein, le parti religieux connaît des remous puisque le
premier ministre, Hamadi Jebali, menaçant de démissionner, a été
désavoué par son mouvement alors qu’il souhaitait mettre en place
un gouvernement technique afin de sortir de la crise, crise autant
politique que sociale et économique. Cette proposition était bien
accueillie par l’opposition laïque et notamment par le parti
Ettakol (Parti Démocratique pour le Travail et les Libertés),
membre de l’Internationale socialiste, qui appelait le premier
ministre non seulement à constituer rapidement un tel gouvernement
mais aussi à reprendre d’urgence le dialogue social prôné par
l’UGTT, le principal syndicat tunisien, concernant le contrat
social entre l’Etat et les partenaires sociaux, devant consacrer
enfin un environnement favorable à l’investissement et à
l’emploi. Le Parti Ettakol regrettant par ailleurs les récents
propos prononcés en Tunisie par JL Mélenchon, propos « sans
nuance et discernement dans l’analyse de la politique tunisienne,
souvent réduite à une bataille entre laïcs et islamistes ».
Plus que jamais les
Tunisiens aspirent, dans leur très grande majorité, à un climat
enfin serein, respectueux des personnes, propice aux avancées de la
démocratie, à un redressement économique du pays, soucieux
également d’un islam tolérant, à l’image de celui pratiqué en
Tunisie depuis des siècles. Ainsi que le disait un responsable
musulman dans les médias, « Une religion qui devient une
idéologie s’éloigne des hommes, personne ne réussira à nous
couper de nos traditions ».
A l’heure où
s’écrivent ces lignes, la crise gouvernementale se poursuivait,
Ennahda ne voulant pas quitter le pouvoir au profit d’un
gouvernement de sortie de crise et le parti du Président de la
République Marzouki, connaissant également la scission d’une
partie de ses cadres.
Texte rédigé par André PIAZZA, délégué fédéral.
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